Absence de reconnaissance en France d’une décision rendue dans un État membre de l’UE en cas d’inconciliabilité de décisions

Par un arrêt du 16 septembre 2020 (n°18-20.023), la Cour de cassation est venue rappeler qu’en application de l’article 34, 3) du règlement « Bruxelles I », une décision rendue dans un État membre de l’UE ne peut être reconnue en France si elle est inconciliable avec un jugement rendu entre les mêmes parties par les juridictions françaises. L’inconciliabilité doit être retenue lorsque les décisions en cause entraînent des conséquences juridiques qui s’excluent mutuellement.
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Conformément aux dispositions de l’article 33 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000 (dit « Bruxelles I »), les décisions rendues dans un État membre de l’UE sont reconnues dans les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. A titre d’exception, l’article 34, 3) prévoit notamment qu’une décision ne peut être reconnue si elle est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l’Etat membre requis.

En l’espèce, le litige portait sur la reconnaissance en France d’une décision de la High court of Justice de Londres, laquelle avait jugé nul un contrat de prêts et considéré qu’aucune somme n’était donc due au prêteur au titre des prêts litigieux, alors qu’un jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice rendu entre les mêmes parties avait admis la validité du contrat des prêts litigieux, ce dont il résultait une créance pour le prêteur.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté la contestation formée à l’encontre du certificat de reconnaissance de la décision de la High Court of Justice de Londres. Considérant en substance que le procès français portait sur la validité de l’acte d’affectation hypothécaire et avait consacré le principe de l’existence des contrats de prêts en cause, tandis que le procès anglais portait sur le principe de l’exigibilité de la créance et que le juge anglais s’était prononcé sur une demande de condamnation en paiement, la Cour d’appel en avait déduit que les demandes n’avaient pas le même objet et ne pouvaient donc entraîner des conséquences s’excluant mutuellement puisque les deux juridictions ne s’étaient pas prononcées sur les mêmes questions.

La Cour de cassation a cependant cassé l’arrêt d’appel. La Haute juridiction a en effet jugé que les décisions étaient inconciliables dès lors que le jugement de la High Court of Justice de Londres, qui avait considéré qu’aucune créance n’avait pu valablement naître de l’engagement litigieux, entraînait des conséquences juridiques qui s’excluaient mutuellement avec celles du jugement du Tribunal de grande instance de Nice rejetant la demande en nullité de ce même engagement formé par le prêteur.

Il ressort de cette décision que seul compte le principe d’une application simultanée des décisions rendues entre les mêmes parties dans des Etats membres de l’UE. Deux jugements peuvent d’ailleurs être inconciliables sans que les demandes sur lesquelles ils ont statué aient eu le même objet.