Le seul dépôt d’une marque ne constitue pas un acte de contrefaçon.

La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et s’aligne sur la jurisprudence européenne : désormais, le seul dépôt d’une demande d’enregistrement de marque ne constitue pas un acte de contrefaçon faute d’exploitation de ce signe.
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Parmi les atteintes à la marque, il était classique de considérer que le dépôt, par un tiers, d’un signe similaire ou identique indépendamment de son exploitation était constitutif de contrefaçon soit qu’il soit besoin que ce dépôt soit suivi d’une exploitation effective, le dépôt était en soi constitutif d’un acte de contrefaçon.

La Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 13 octobre 2021 (Cass.com., 13 octobre 2021, n°19-20504), opère un revirement de jurisprudence et s’en explique. Ce revirement est justifié par la jurisprudence de la CJUE, en particulier l’arrêt Daimler (CJUE, 3 mars 2016, aff. C-179/15) que la Haute Cour cite : « le titulaire d’une marque enregistrée ne peut interdire l’usage par un tiers d’un signe similaire à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait sans le consentement du titulaire de la marque, est fait pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque a été enregistrée et, en raison de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public, porte atteinte ou est susceptible de poster atteinte à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service ».

Dans cette formule, toutes les conditions de la contrefaçon de marque sont recensées : parmi les premières, la nécessité d’établir un usage dans la vie des affaires du signe litigieux, lequel porte atteinte à la fonction essentielle d’identification d’origine des produits que la marque est supposée remplir.

La Cour de cassation convient donc qu’il est temps de faire évoluer sa jurisprudence : le dépôt d’une demande d’enregistrement de marque ne caractérise pas un usage pour des produits ou services en l’absence de commercialisation sous le signe, aucun risque de confusion et donc aucune atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque n’est susceptible de se produire.

L’action en contrefaçon n’est donc pas la voie d’action pour laquelle opter au moment où le titulaire d’une marque prend connaissance d’un dépôt par un tiers sur un signe identique ou similaire. A ce stade, le titulaire d’une marque devra donc désormais emprunter la voie de la procédure d’opposition devant l’INPI ou celle de l’action en nullité, l’action en contrefaçon sera réservée au cas dans lesquels une exploitation du signe ainsi déposé est constatée.