Fusion-absorption – Transfert de responsabilité pénale : attention aux faits commis par l’absorbée

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation reconnaît désormais la possibilité de condamner la société absorbante pour une infraction pénale commise antérieurement par la société absorbée.
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« Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait ».

Sur la base de ce principe, posé par l’article 121-1 du Code pénal, et de l’assimilation de la dissolution d’une personne morale à un décès de cette dernière, la chambre criminelle de Cour de Cassation s’opposait jusqu’alors à ce qu’une société absorbante puisse être condamnée pour une infraction pénale commise par une société absorbée avant l’opération de fusion-absorption.

Aux termes de son arrêt du 25 novembre 2020, la chambre criminelle opère un remarquable revirement de jurisprudence en abandonnant son ancienne approche anthropomorphique et lui préférant désormais une analyse basée sur la spécificité du transfert universel de patrimoine de la société absorbée, dont l’activité économique se poursuit au sein de la société absorbante.

Cette évolution, annoncée par les solutions retenues par les juridictions européennes (CJUE, 5 mars 2015 / CEDH, 24 octobre 2019), lève, sous certaines conditions, tout obstacle à l’application de sanctions pécuniaires (peine d’amende ou de confiscation) à la société absorbante.

L’espèce du 25 novembre 2020 concernait des faits de destruction involontaire de bien appartenant à autrui par suite d’un incendie provoqué par manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi. La société mise en cause ayant fait postérieurement l’objet d’une fusion-absorption, les parties civiles avaient alors fait citer à comparaître la société-absorbante.

Amenée une nouvelle fois à se prononcer sur l’application du principe de responsabilité personnelle à une personne morale, la Haute Cour énonce sa nouvelle règle : «  en cas de fusion-absorption d’une société entrant dans le champ de la directive [du 5 avril 2011 relative aux fusions des sociétés anonymes], la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération ».

La Chambre Criminelle apporte toutefois plusieurs tempéraments à ce revirement dont notamment :

– qu’afin de ne pas porter atteinte au principe de prévisibilité juridique, cette nouvelle interprétation ne s’appliquera qu’aux fusions-absorptions postérieures à l’arrêt du 25 novembre 2020, sous réserve notamment du cas d’une fraude à la loi, c’est-à-dire d’une opération réalisée dans l’objectif d’échapper à la sanction pénale de la société absorbée ;

– qu’il ne concerne que les sociétés visées par la directive relative à la fusion des sociétés anonymes (société anonyme, société par actions simplifiée et société en commandite par actions) ;

– que dans la mesure où la société absorbante est la continuité de la société absorbée, elle bénéficie elle-même des droits et moyens de défense que la société absorbée aurait pu invoquer. Cette nouvelle position des juges de la Cour de Cassation appelle donc à davantage de vigilance en matière d’identification et de détermination du risque pénal lors d’opérations de fusion-absorption.

Thomas NTOMETANE