Le titulaire d’une marque est soumis à une obligation d’exploiter celle-ci au risque, sinon, de perdre ses droits. En effet, l’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que le titulaire d’une marque qui n’en fait pas un usage sérieux pour les produits et services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans, encourt la déchéance de ses droits.
Dans l’affaire ayant conduit la Cour de cassation à se prononcer par un arrêt en date du 4 novembre 2020 (Cass.com., 4 novembre 2020, pourvoi n°16-28281), le titulaire d’une marque avait engagé une action en contrefaçon contre une société utilisant, pour des produits identiques, une dénomination similaire. Dans le cadre d’une autre procédure, opposant le titulaire de la marque à une société différente, le Tribunal puis la Cour d’appel, ont prononcé la déchéance de la marque pour défaut d’exploitation.
Le défaut d’exploitation, et la déchéance le sanctionnant, ont eu des conséquences dans le cadre de l’action en contrefaçon qui ne concernait désormais que les actes commis durant la période antérieure au prononcé de la déchéance pour les faits non prescrits. En effet, la Cour d’appel, tenant compte de l’absence d’exploitation de la marque, a rejeté l’action en contrefaçon considérant que la marque n’avait pas été mise en contact avec le public et que, par conséquent, elle n’avait pas exercé sa fonction : fonction à laquelle il ne pouvait donc avoir été porté atteinte. Cette solution revenait à considérer qu’il ne peut être porté atteinte à une marque non exploitée.
Un pourvoi en cassation a été formé à l’encontre de cet arrêt et la Cour de cassation a saisi la CJUE d’une question préjudicielle sur la possibilité, pour le titulaire d’une marque déchue, de réclamer l’indemnisation de son préjudice en raison de l’usage, par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance d’un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires et prêtant à confusion ; la CJUE a répondu positivement (CJUE, 5e ch., 26 mars 2020, aff. C-622/18).
La Cour de cassation, tirant les conséquences de cette réponse, va donc casser l’arrêt de la Cour d’appel en énonçant « … la déchéance d’une marque, prononcée en application de l’article L714-5 du code de la propriété intellectuelle, ne produisant effet qu’à l’expiration d’une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l’atteinte portée à ses droits sur la marque qu’ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance ».
Il faut donc retenir de cette décision que le titulaire d’une marque non exploitée peut engager une action en contrefaçon pour faire sanctionner les atteintes à sa marque et que le défaut d’exploitation de la marque ne constitue pas un obstacle à une telle action. Lorsque le défaut d’exploitation a été sanctionné par le prononcé de la déchéance, la solution s’applique également pour les actes antérieurs à la déchéance (donc à une période où la marque était en vigueur).