Affaire Lagardère : l’intérêt social comme condition de désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale

La possibilité offerte, par le Code de commerce, à un ou plusieurs actionnaires d’une société anonyme de demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale doit être analysée à la lumière de l’intérêt social de la société concernée.
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Rappelons tout d’abord que l’article L.225-103, II – 2° du Code de commerce permet notamment à un ou plusieurs actionnaires d’une société anonyme, réunissant au moins 5% du capital social de cette dernière, de demander la désignation en justice d’un mandataire chargé de procéder à la convocation d’une assemblée générale. Ce texte est rendu applicable à la société en commandite par actions par l’article L.226-1 du même Code.

Se prévalant de ces dispositions légales, deux actionnaires de la société Lagardère ont sollicité la désignation d’un mandataire chargé de convoquer une assemblée générale destinée à statuer sur la révocation et le remplacement de certains des membres du conseil de surveillance.

Ces actionnaires avançaient notamment, au soutien de leur demande, des résultats financiers en baisse ainsi qu’un renouvellement anticipé du mandat de gérant exercé par Monsieur Arnaud LAGARDERE intervenu quelques mois plus tôt et contrevenant, selon eux, aux pratiques antérieures de la société Lagardère.

Ladite société, entendant balayer ces arguments, arguait notamment de l’épidémie mondiale de Covid-19 pour justifier les résultats financiers réalisés au premier semestre 2020 et de la nécessité d’une stabilisation de sa gouvernance pour motiver le renouvellement anticipé du mandat du gérant. Plus encore, elle soutenait que les demandes des actionnaires ne répondaient qu’à leurs intérêts propres, ces derniers souhaitant être représentés au conseil de surveillance.

Le tribunal de commerce de Paris, par une ordonnance en référé en date du 14 octobre 2020, a rejeté les demandes présentées par les deux actionnaires de la société Lagardère.

De manière générale, le tribunal affirme que la convocation d’une assemblée générale par un mandataire judiciaire doit « répondre à l’intérêt social de la société concernée et non à celui des fins propres des demandeurs » et que les arguments présentés par les actionnaires devaient être analysés à la lumière de ce principe directeur.

En l’espèce, il a considéré qu’il n’était pas dans l’intérêt de la société Lagardère de convoquer une assemblée générale à l’effet de soumettre aux actionnaires la révocation et le remplacement de certains des membres du conseil de surveillance.

Relevant notamment que les organes sociaux en place fonctionnaient de manière normale, les juges ont estimé que le recours au II de l’article L.225-103 du Code de commerce ne se trouvait pas justifié. Cela semble procéder d’une application littérale des dispositions précitées, la désignation d’un mandataire ne pouvant être demandée par les actionnaires qu’« à défaut » de convocation de l’assemblée générale par le conseil d’administration ou le directoire.

Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence établie mais vient utilement rappeler que le critère de l’intérêt de la société constitue une condition supplémentaire au mécanisme institué par l’article L.225-103, II du Code de commerce.

Laura PICOULET